2009. « Humanité et fermeté ». C’est ainsi qu’Éric Besson, alors ministre de l’immigration et de l’identité nationale, avait au long d’une séquence médiatique s’étendant sur près d’un an, ponctuée de visites à Calais, avait présenté son action.
La fermeté, ça avait été l’évacuation et la destruction de la quasi-totalité des squats et campements du Calaisis, plusieurs rafles, ciblant plus particulièrement les Afghans, des expulsions vers l’Afghanistan, et pendant tout l’hiver une pression policière de jour comme de nuit pour chasser du centre-ville les exilés qui s’abritaient sous les ponts, sous des porches ou dans les parcs.
L’humanité, ça avait été :
– des douches;
– un lieu aménagé pour la distribution des repas;
– un point d’eau devant le principal campement;
– la demande d’asile en France et l’aide au retour présentées comme les solutions pour les exilés;
– la venue du HCR à Calais, pour informer sur l’asile en France.
Le HCR (Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies) est arrivé trois mois avant les expulsions de septembre et octobre 2009, qu’il a couvertes par son silence.
2014. Cazeneuve récidive. Les expulsions sont programmées pour le mois d’avril.
Le centre Jules Ferry comprendra :
– des douches (en plus grand nombre qu’en 2009);
– une distribution de repas (là où les associations assuraient en 2009 deux repas par jour, la Vie active n’en assure plus qu’un);
– un point d’eau sera accessible à l’extérieur pour les habitants des bidonvilles voisins;
– un point d’information sur l’asile en France et l’aide au retour;
S’ajoute le retour du HCR, dont on peut deviner qu’il couvrira à nouveau de son silence les exactions présentes et à venir.
Un changement par rapport à 2009. Des militants du mouvement No Border avaient ouvert en 2013 un squat pour les femmes et les enfants. Cas unique depuis la fermeture du centre de Sangatte en 2002, le préfet avait déclaré qu’il ne ferait pas évacuer le squat sans qu’il y ait une solution pour les habitantes. L’État avait missionné l’association d’insertion Solid’R pour reprendre la gestion du lieu en mai 2014. L’accueil des femmes avait déménagé en juillet dans les locaux de l’accueil de jour du Secours catholique, qui avait appris quelques jours avant qu’il devait quitter les lieux.
L’accueil des femmes sera intégré au centre Jules Ferry, contre l’avis des associations. Un premier bungalow de 206 m2 a été mis en place pour 50 femmes, ce qui fait 4 m2 par personne pour vivre. On sait déjà que les conditions d’accueil seront indignes.
Autre changement, ce ne sont plus les bénévoles des associations qui mettent en œuvre les différentes activités, ce sont les salariés d’une association missionnée par l’État, la Vie active.
Enfin, les différents services sont regroupés dans un même lieu, tout-à-fait à l’écart de la ville, au-delà de la rocade autoroutière, selon une logique d’exclusion que les exilés ont très bien comprise et qu’ils ressentent vivement.
Certains exilés ont eu l’occasion de rencontrer le HCR à Choucha, ce camp ouvert en 2011 dans le désert tunisien pour accueillir les réfugiés fuyant la guerre en Libye. Si les premiers arrivés ont été réinstallés dans différents pays, le HCR a ensuite arrêté les réinstallations. Il a coupé l’eau dans le camp pour faire partir les réfugiés qui étaient encore là, et qui étaient sensés s’installer en Tunisie sans que les pays ait de politique d’accueil (on est aussi après la révolution tunisienne). Aujourd’hui, certains survivent encore sur place en mendiant de la nourriture et de l’eau sur la route voisine, les autres sont retournés en Libye et ont tenté la traversée de la Méditerranée vers l’Europe.
Voici le témoignage de l’un d’eux :
http://audioblog.arteradio.com/post/3063540/berlin___un_refugie_de_choucha/
Des expulsions, il y en aura. De l’humanité, c’est plus douteux.
2 octobre 2009, destruction du squat des Érythréens devant les caméras, à l’occasion d’une visite d’Éric Besson à Calais. Le campement des Soudanais a été détruit pendant la même journée.