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Né à l’automne 2013 d’une page facebook sensée exprimer le ras-le-bol de la population calaisienne par rapport aux « migrants » et aux personnes qui les soutiennent, Sauvons Calais s’est rapidement avéré un groupe violent (avec l’attaque du squat de Coulogne en février 2014) avant d’afficher ses liens avec l’extrême-droite néo-fasciste et néo-nazie. Notamment à l’occasion de la manifestation du 7 septembre 2014, au cours de laquelle ont été vus saluts et symboles nazis, et proférés des appels à constituer des milices. Ou de celle organisée le 8 novembre 2015 par Pediga France, au cours de laquelle un coran a été brûlé tandis qu’un orateur annonçait que le génocide de la race blanche avait commencé. Les agressions contre des exilés (voir ici et là) ou contre des personnes les soutenant se multiplient suite à l’apparition du groupe.
La greffe de cette extrême-droite très politisée avec la population calaisienne ne fonctionne pas, et Sauvons Calais devient vite infréquentable. Mais Calais est devenu un focus pour le mouvement identitaire partout en France, et des groupes se mobilisent quand des exilé-e-s venant de Calais sont envoyés dans des centres de répit ou des centres de rétention.
À l’automne 2014, c’est un syndicat de police, Unité SGP Police FO, qui prend le relais, organisant le 13 octobre une manifestation anti-migrants. Le tract d’appel affirme « Les migrants continueront inexorablement à s’amasser aux portes de l’eldorado britannique » et « Le flux continuel de migrants entraine l’économie locale dans une crise sans précédent et les entreprises sont menacées » et appelle la population à se mobiliser. Avec eux, des commerçants, des agriculteurs, des élus du Front National, des militants de Sauvons Calais.
Cette mobilisation sert de catalyseur à une mise en scène à destination des médias du rejet des « migrants » par la population calaisienne. Et celle-ci prépare l’expulsion des exilé-e-s du centre de Calais vers le terrain à l’écart de la ville où se trouve le bidonville actuel. Elle mobilise à l’extrême-droite tout en secondant la politique des autorités locales et nationales.
Dans la dernière ligne droite avant le premier tour des élections régionales, c’est encore l’angle catégoriel qui est choisi par un collectif Sauvons le port de Calais, lancé par des représentants du personnel, qui accuse es exilé-e-s d’être à l’origine des difficultés de celui-ci et de menacer les emplois. Le lendemain, Marine Le Pen se rend au port de Calais.
http://www.nordlittoral.fr/accueil/marine-le-pen-visitera-le-port-de-calais-mardi-ia0b0n263833
Le collectif Les Calaisiens en colère s’est aussi créé autour d’une page facebook. Il se veut lui aussi l’expression du ras-le-bol de la population calaisienne face aux « migrants » : « Page qui se veut apolitique et pour l’unité des Calaisiens face à l’insécurité due aux migrants! Merci d’éviter tout racisme et incitations à la violence. » Les manifestations qu’il organise montre en effet une certaine capacité à mobiliser des Calaisien-ne-s très divers-e-s. Mais sous le masque apolitique, des notables locaux du Front national sont présents.
Mais, comme Sauvons Calais, Les Calaisiens en colère se radicalisent. Depuis plusieurs semaines ils patrouillent autour du bidonville de Calais, prétendent encourager la police, menacent les exilé-e-s. Il y a quelque jour, ils ont menacé des exilé-e-s avec une arme. Menace également sur le hangar où les associations trient et stockent les dons humanitaire. Dans ce climat, le camping-car que Médecins du Monde utilisait pour des douches et des consultations médicales a brûlé. Des personnes jugées proches des exilé-e-s et dont la voiture était trop bien identifiée ont eu leur pneus crevés. D’autres mouvement d’extrême-droite en France viennent apporter leur soutien à ceux qui ont répondu à l’appel lancé lors de la manifestation organisée par Sauvons Calais le 7 septembre 2014 : organiser une milice.
Les « migrants de Calais » ont été un des thèmes de campagne du Front National pour les régionales, avec deux visites sur place de Marine Le Pen, et un score de 49,1 % sur la commune de Calais. L’opération de détournement du mal-être calaisien, né du chômage et de la désindustrialisation, vers un bouc émissaire, fonctionne. Et aucun parti politique ne peut s’exonérer de ses responsabilités, soit d’avoir alimenté le rejet par leurs propres déclarations anti-migrants, soit pour n’avoir pas su rassembler autour d’autres perspectives.
Ça fonctionne, et ça conduit à la violence. Là aussi, les violences d’extrême-droite se développent dans un contexte où l’État s’affranchit du droit et où les ministres successifs couvrent les violences quotidiennes que leur politique engendre. Et quand le procureur de Boulogne/Mer parle d’« une impression de guérilla urbaine » et « d’une organisation quasi militaire » en décrivant des exilé-e-s tentant de monter dans des camions à l’occasion d’un embouteillage, comment s’étonner que d’aucuns se sentent la vocation de partir en guerre et sortent un pistolet pour menacer les exilé-e-s qui passent : « Je vais chercher mon gun, c’est la guerre ce soir ».
Février 2014 : le squat de Coulogne, avant et après son caillassage par des militants de Sauvons Calais.
Le tract d’appel à la manifestation anti-migrants du 13 octobre 2014, à l’initiative d’Unité SGP Police FO.
Image extraite de la vidéo dans laquelle des membres des Calaisiens colère menacent des exilé-e avec un pistolet.
A reblogué ceci sur Boycott.
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