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Rivesaltes. 1939, les Républicain-e-s espagnol-e-s y sont parqué-e-s dans un des camps qui sont ouverts par les autorités françaises dans le sud de la France. 2007, un centre de rétention est ouverte à deux pas, près de l’aéroport de Perpignan – Rivesaltes. 2016, les enfants et petits enfants de réfugié-e-s espagnol-e-s, qui célèbrent comme chaque année l’exil de 500 000 espagnol-e-s fuyant les armées franquistes, se rassemblent devant le centre de rétention, faisant le lien entre le passé et le présent de l’exil.

http://france3-regions.francetvinfo.fr/languedoc-roussillon/pyrenees-orientales/rivesaltes/pyrenees-orientales-les-descendants-de-republicains-espagnols-rendent-hommage-aux-migrants-933147.html

Au moment où le tribunal administratif de Lille vient de valider la décision de détruire la moitié sud du bidonville de Calais et d’expulser ses 3500 habitant-e-s, nous reprenons ici, toujours pour alimenter la réflexion, après la lettre ouverte de huit associations de solidarité, la contribution de Camille Louis et Étienne Tassin, celle de Michel Agier, l’appel signé par 260 associations et personnalités, « La lettre que la Maire de Calais n’a pas écrite« , par Antoine Hennion et Sébastien Thiéry, du PEROU, un texte de Pierre Stamboul, de l’Union Juive Française pour la Paix, empli de résonances historiques.

 

http://www.ujfp.org/spip.php?article4744

« Calais, déchéance de notre société

jeudi 25 février 2016 par Pierre Stambul

Article écrit pour  » Émancipation »

Le temps des camps est revenu. Celui des déplacements obligés et des déplacements empêchés.

Dans la novlangue d’aujourd’hui, on ne dit plus « camps », ça évoquerait de mauvais souvenirs. Alors on appelle ça la « jungle » comme si celles et ceux qui arrivent à Calais étaient des bêtes sauvages qu’il faut enfermer, contrôler, ballotter, criminaliser. Dans la vraie jungle, il arrive qu’on tue les animaux. On meurt aussi à Calais qui n’est même pas la fin d’un voyage sans issue.

6 juillet 1938 : ouverture de la conférence d’Évian. Les pays occidentaux débattent d’un problème grave : « que faire des centaines de milliers de Juifs chassés d’Allemagne et d’Autriche par les Nazis » ? La réponse sera unanime : rien. Ni accueil, ni visa, ni aide ! Mais déjà à l’époque les camps, la clandestinité, la fuite sans fin.

26 janvier 1939 : prise de Barcelone par les troupes franquistes. La « Retirada » s’amplifie. Par dizaines de milliers, les réfugiés espagnols et les combattants des Brigades Internationales arrivent en France. Où les mettre ? Dans des camps qu’on n’appelle pas encore « de concentration » dont les plus célèbres seront Gurs, Argelès, Rivesaltes ou Saint-Cyprien. C’est là que les Nazis viendront les cueillir.
Aujourd’hui, on célèbre des personnages splendides comme Varian Fry qui sont venus en aide à des proscritEs ne sachant pas où aller et abandonnéEs. Les Varian Fry d’aujourd’hui aident les réfugiéEs de Calais. Et ils/elles sont jugéEs. Rob Lawrie a été traîné en justice pour avoir essayé d’aider une fillette afghane voulant rejoindre sa famille.

La logique des camps, c’est d’enfermer les victimes qui sont considérées comme des coupables. Ou de les disperser pour qu’on ne les voit plus.

Qui a mis à feu et à sang le Moyen-Orient et le monde arabe avec les invasions de l’Afghanistan, de l’Irak ou de la Libye ? Qui arme les pays qui ont financé et fabriqué Daesh ? Qui soutient un modèle économique qui condamne de nombreux pays au sous-développement ? Qui a fabriqué le système de la Françafrique ? Les gens qui arrivent à Calais avec l’espoir fou que la Grande-Bretagne sera leur eldorado sont avant tout les victimes du capitalisme mondialisé.

Le gouvernement français se dit solidaire du peuple syrien face à sa dictature. Il traite les réfugiéEs syrienNEs comme des bêtes : expulsions, enfermement, refus d’accorder le droit d’asile. C’est la politique du bulldozer et de la bonne conscience. Dans sa grande « humanité », le gouvernement français a installé à Calais des containers pour emballer la marchandise, pardon pour loger les migrants.
À l’heure où ces lignes sont écrites, le gouvernement « socialiste » s’apprête à « évacuer » une partie de la « jungle » de Calais. Il faut comprendre qu’on va « mettre ailleurs » les habitants mais surtout qu’on va détruire ce que la population a pu construire pour rendre la vie un peu moins invivable : l’école du chemin des Dunes, une épicerie, des sanitaires. On va « disperser » les réfugiéEs dans la peur et la précarité. Cazeneuve, Valls et Hollande sont dans la droite ligne de Sarkozy qui avait fermé Sangatte.

Notre police n’a même pas besoin de l’état d’urgence pour agir. Elle possède déjà une solide expérience acquise contre les Rroms. Plusieurs « camps » ont été récemment démantelés : trois à Lyon (12 janvier) et celui des Poissonniers à Paris (3 février). Démantèlements pour le « bien » des résidentEs, ça va de soi. C’est-à-dire sans relogement dans la plupart des cas. En fait ces évacuations ont un seul but : rendre la vie invivable et cacher cette « lie de l’humanité » de notre vue.

Face à cette Europe forteresse qui imite les pires périodes de son histoire, nous réaffirmons la liberté absolue de circuler et de s’installer. Nous faisons nôtre l’appel de Calais qui se termine par :

« parce que nous serons plus forts demain pour nous battre ensemble contre les autres formes d’injustices et de misère,
nous demandons solennellement au gouvernement un large plan d’urgence pour sortir la jungle de Calais de l’indignité dans laquelle elle se trouve. »

Pierre Stambul (22 février) »