Ce vendredi 14 août 2020, les associations qui viennent en soutien aux personnes exilées (sur)vivant à Calais saisissent aujourd’hui la Défenseure des droits ainsi que 7 rapporteurs spéciaux des Nations unies relatifs aux droits humains afin de les alerter sur les conditions de vie inhumaines dans lesquelles sont maintenues les personnes exilées. Elles appellent ces institutions, à dénoncer les exactions récurrentes commises par les pouvoirs publics et à intervenir auprès d’eux afin de les faire enfin cesser.

Si les conditions dans lesquelles vivent les personnes exilées sont indignes depuis longtemps, force est de constater que depuis la fin de l’état d’urgence sanitaire, le 10 juillet dernier, et la nomination de Gérald Darmanin à la tête du ministère de l’intérieur, la situation des exilé.es à Calais n’a fait que se détériorer. Les près de 1200 hommes, femmes et enfants sans-abris présentes à Calais ont vu leurs conditions de vie profondément dégradées ces dernières semaines. En cause, les « évacuations » brutales de plusieurs gros campements ensuite grillagés, les 10 et 30 juillet dernier, et la réduction dramatique des services vitaux que sont les distributions alimentaires, l’accès aux douches ou encore aux points d’eau qui les accompagne.

Les saisines envoyées ce jour par une coalition d’associations s’appuient sur 65 témoignages partagés entre le 10 juillet et le 12 août 2020 par des personnes exilées, des membres d’associations et des habitant.es. Elles dénoncent les violations du droit à l’eau, à l’assainissement, à la santé ainsi qu’à l’alimentation. Une des personnes exilées présentes à Calais déclare ainsi « J’ai faim et soif tous les jours. J’ai froid toutes les nuits. Je me sens très faible physiquement. L’un de mes amis est tombé très malade à cause de la situation. Pendant 3 jours, il avait des vertiges, il avait chaud puis froid et il tremblait sans arrêt. »

Dans cette saisine, les associations alertent également sur les évacuations forcées, les expulsions croissantes de terrains où survivent les personnes exilées ainsi que sur les violences physiques, les confiscations d’effets personnels (tentes, duvets, téléphones, etc.) et les interpellations qui en découlent. Sur ce sujet, A. témoigne ainsi « Si on se retrouve tout seul pour aller chercher de l’eau ou de la nourriture, des agents de CRS nous gazent le visage. Ça me brûle les yeux, ça me fait pleurer et les CRS rigolent devant moi. »

Les femmes seules, avec enfants, les familles et les mineurs non accompagnés, dont les besoins sont pourtant spécifiques, sont soumis aux mêmes traitements dégradants. En juillet, plusieurs dizaines de femmes, d’enfants et 194 mineurs non accompagnés ont ainsi été rencontrées par les associations dans des situations de grande détresse. Un.e bénévole dit ainsi « J’ai pu parler avec une femme le 12.07 qui était enceinte et m’a dit qu’elle avait très peur de « mal faire les choses avec son bébé », elle voulait prendre une douche, elle m’a répété plusieurs fois « je veux juste être propre ».

De nombreux témoignages de membres d’associations reviennent également sur les intimidations (contrôles d’identités répétés sans motif, propos menaçants, etc.) dont ils et elles font l’objet de la part de la police lorsqu’ils viennent en aide aux personnes exilées, privant ainsi ces dernières d’un soutien déjà fragile.

Les institutions saisies aujourd’hui ont déjà formulé des recommandations claires pour que les droits fondamentaux de toutes et tous soient respectées à la frontière franco-britannique. Le Défenseur des droits a ainsi déjà dénoncé les évacuations massives organisées par l’État qui n’apportent aucune solution durable : « les opérations d’évacuation sont présentées par les autorités publiques comme des opérations de mises à l’abri visant à offrir aux personnes exilées vivant dans des campements insalubres et soumises à la pression des filières de passeurs, des conditions d’accueil dignes. Or, dans la mesure où ces mises à l’abri sont souvent non durables et constituent un cadre où peut s’opérer un contrôle de la situation administrative, elles contribuent en réalité à la création de nouveaux campements. »1

Les juges du Tribunal administratif de Lille et du Conseil d’État avaient eux aussi déjà, en 2017 et 2018, ordonné à l’État de garantir au minimum un accès à ces besoins vitaux que sont l’eau et l’hygiène (douches et latrines) et à une information sur les droits. En 2018, le Président de la République lui-même avait demandé que soient mises en place des distributions de nourriture.

Quelques années seulement après ces décisions, il est incompréhensible que les personnes exilées présentes à Calais se retrouvent de nouveau dans une situation de dénuement la plus extrême.

Associations signataires :

  • Auberge des migrants
  • Cabane juridique
  • Calais Food Collective
  • Collective Aid
  • Help Refugees
  • Human Rights Observers
  • Médecins du Monde
  • Project Play
  • Refugee Women’s center
  • Salam Nord Pas-de-Calais
  • Secours catholique Nord Pas-de-Calais
  • Terre d’errance
  • Utopia 56

    Contacts presse
    Tiphaine Roux pour la Cabane juridique +336.07.97.03.53
    Chloé Smidt-Nielsen, pour Human Rights Observers +336.18.49.53.86
    Juliette Delaplace, pour le Secours catholique Nord Pas-de-Calais +336.30.06.75.99

Photo : Abdul Saboor