A Calais, une semaine après la venue de la Défenseure des droits, Madame Claire Hédon, trois jours après la manifestation pour le respect des droits des personnes exilées, une expulsion de grande envergure a eu lieu à « Hospital jungle » sans base légale officielle.
A Calais, « plus c’est gros plus ça passe ».

« Hôpital », un terrain vague boisé dans lequel (sur)vivent près de 800 personnes de différentes nationalités, soit la plus grande jungle actuelle de Calais, a été expulsé ce matin.

Le préfet parle de la plus « importante » expulsion depuis la grande jungle en 2016 sous prétexte de mettre les personnes à l’abris. Comment parler de mise à l’abris lorsque celle-ci est forcée, violente et inefficace ? En effet, la stratégie politique de terre brulée
et de harcèlement des habitants mise en avant par les autorités publiques se solde par un
échec. Quatre ans après la « grande jungle », le contexte calaisien est le même, si ce n’est pire. A partir de 5h30, une armada de forces de l’ordre (gendarmerie nationale, CRS, police national, police aux frontières, police technique et scientifique, …) et près d’une trentaine de bus représentant une capacité de 900 places, à destination de centres de ‘mise à l’abris’ sont arrivés sur le campement. Il s’agit d’un dispositif d’une ampleur sans précédent. À titre d’exemple, lors de l’expulsion du 21 août 2020, quatre bus avaient été affrété.

Les personnes exilées sont encerclées, escortées en dehors du terrain, placées en lignes et aveuglées par les flashs en plein visage par les forces de l’ordre. À l’écart, certaines sont gazées au gaz lacrymogène dans la forêt du campement.

Près de 340 personnes sont brutalement escortées dans les bus, sans connaître leur destination pouvant être n’importe où en France, dans des centres d’hébergement de toute façon inadaptés. D’autres sont emmenées et enfermées dans des centres de
rétentions administratives. Au moins 22 personnes, dont 5 mineurs, sont arrêtées : même ces derniers n’échappent pas à l’opération.

Juridiquement, l’expulsion a été justifiée par les forces de l’ordre en présence comme reposant sur la « flagrance », qui permet la collecte de preuve dans le cadre d’une enquête, mais n’autorise en rien une expulsion. Si cette expulsion avait eu lieu sur la base d’une ordonnance sur requête, cette dernière aurait dû être obligatoirement affichée : à défaut, l’expulsion est purement et simplement illégale. Si cette expulsion se base sur un arrêté préfectoral d’évacuation, ce dernier n’a pas non plus été rendu public.

Le préfet a donc agit dans l’illégalité et par surprise, ce qui a empêché les exilés de sauver à temps, de « s’auto expulser », comme ça a pu être le cas lors des précédentes expulsions cet été (lire Evacuations des campements du bois Dubrulle et de l’hôpital )

L’absence d’annonce de base légale prive de facto les habitants des terrains de leur droit à un recours devant le juge pour contester leur expulsion.
Les forces de l’ordre ont brisé les arceaux de tentes, le peu d’affaires qui restaient ont été emmenées dans une benne, ou encore stockés dans un container humide. Les associations ont voulu s’organiser pour tenter d’observer le déroulement de l’expulsion mais ont été repoussées en dehors du périmètre fermé par les forces de l’ordre, alors que les journalistes, contactés par la préfecture, étaient invités à y entrer.

A 12h30, l’expulsion n’était toujours pas terminée. Pourtant à la même heure, une nouvelle expulsion a lieu sur un autre lieu de vie, « BMX », bien éloigné du périmètre discrétionnairement imposé par les forces de l’ordre. Les personnes exilées sont
brutalisées, gazées et les bénévoles violentés. La majorité des occupants de ce terrain refusent de monter dans les bus ; tous leurs abris, tentes, sacs de couchage ont pourtant été saisis.

A 14h40, l’expulsion prend fin.
En neuf heures, plus de 800 personnes ont été expulsées, sans qu’elles aient eu la possibilité de faire valoir leurs droits.

Organisations signataires :
La Cabane Juridique
Human Rights Observers
First Aid Support Team
Collective Aid
Terre d’Errance
Project Play
Refugee Youth Service

Contacts Presse :
Liza, Human Rights Observers : 06 52 82 82 65
Margot, La Cabane Juridique : 06 67 54 12 95

Photo : Julia Druelle