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Notre billet du 22 avril concernant les mineurs à la rue (voir ici) a suscité dans la presse un commentaire étonnant du directeur de la Maison du jeune réfugié à Saint-Omer : ce dispositif (la Maison du jeune réfugié) n’étant pas plein en semaine « il n’y a donc pas d’intérêt à ouvrir une structure pour les mineurs isolés à Calais », « On ne peut pas les forcer à venir dans un dispositif ».

http://www.lavoixdunord.fr/region/calais-quels-dispositifs-pour-proteger-les-migrants-ia33b48581n2090678

Il faut donc rappeler que la protection des mineurs en danger n’est pas une action charitable, mais une obligation légale pour les pouvoirs publics. Elle découle pour ce qui est de la législation française du Code de l’action sociale et des familles, et pour les traités internationaux de la Convention internationale des droits de l’enfant.

Cette obligation porte notamment sur les mineurs isolés, quelle que soit leur nationalité : « La protection de l’enfance a également pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d’assurer leur prise en charge » (article L 112-3 du Code de l’action sociale et de la famille).

L’article suivant (L 112-4) prévoit que « L’intérêt de l’enfant, la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes décisions le concernant. » Dans le cas des mineurs du campement qui est au bord du bassin de la Batellerie à Calais, il s’agit de jeunes qui dorment dehors, dont plusieurs sont porteurs de la gale, qui n’ont accès qu’à un repas chaud par jour, qui sont dans un contexte de violence et dans un pays qu’il ne connaissent pas.

Le Code pénal, lui, réprime le délaissement (article 223-3) : « Le délaissement, en un lieu quelconque, d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende. » C’est bien de cette situation qu’il s’agit.

Le défenseur des droits a été saisi d’une situation similaire à Paris (lire la saisine ici) et a émis des recommandations sur le sujet, qui rappellent notamment le cadre juridique à respecter (lire ici ses recommandations).

À la décharge du directeur de la Maison du jeune réfugié, ce n’est pas l’association qui l’emploie, France Terre d’Asile, qui est responsable de la protection de l’enfance. Elle n’intervient que missionnée par le conseil général pour gérer un dispositif particulier. C’est le conseil général lui-même qui en est responsable, et qui a l’obligation de trouver une solution aux insuffisances du dispositif existant.

Les associations l’avaient dit alors que la Maison du jeune réfugié n’était qu’on projet, les lieux d’accueil des mineurs doivent être situés sur la route vers l’Angleterre – et notamment à Calais – sinon la majorité des jeunes concernés resteront à la rue. C’est bien ce qu’on constate aujourd’hui, avec une Maison du jeune réfugié basée à Saint-Omer.

C’est triste à dire, mais on retrouve avec les enfants à la rue de Calais une situation semblable à celle des enfants des rues en Roumanie dans les années, y compris dans les propos des responsables d’institutions : « on fait tout notre possible, ils ne restent pas dans nos foyers, ils ne veulent pas venir ». La situation des enfants des rues en Roumanie était médiatisée dans le monde entier, l’Union européenne a fait de la réforme de la protection de l’enfance pour satisfaire aux critères internationaux une étape obligatoire pour que la Roumanie entre dans l’UE, des financements publics et privés ont permis la mise en place de projets pilotes et ont accompagné la mise en place de réponses de droit commun.

En France, aujourd’hui, il n’y a que la mobilisation des citoyens qui fera changer la situation des enfants à la rue, à Calais et ailleurs.

Nous sommes dans un contexte plutôt favorable, l’État commençant à s’attaquer de manière plus sérieuse à la question des bidonvilles et campements, et il devient possible d’envisager des solutions pour les personnes qui y habitent – entre autres pour les mineurs. Espérons que le conseil général saisira cette occasion pour avancer.

Ce que la Roumanie, un des pays les plus pauvres d’Europe, a su faire, le Pas-de-Calais ne le pourrait pas ?