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La venue du directeur général de l’OFPRA ce mercredi à Calais, au lieu de distribution des repas occupé par les exilés, mérite qu’on y revienne. Pendant la journée, la préfecture a dit aux associations, aux médias et aux exilés eux-mêmes que les occupants du lieu devaient partir, ce qui laisse présager une expulsion, et un dispositif spécial pour ceux qui choisiraient de demander l’asile. Le soir, le directeur général de l’OFPRA est là pour tenter de crédibiliser ce dispositif. Est-ce là le rôle de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides ?

La législation européenne (règlement Dublin III) prévoit qu’on ne peut demander l’asile que dans un seul pays, et énonce une série de critères pour déterminer quel est ce pays. Dans la très grande majorité des cas, il s’agit du pays d’entrée dans l’Union européenne. Toute une partie des exilés arrivant en France se sont fait prendre leurs empreintes digitales dans des pays qui ne respectent pas les droits des demandeurs d’asile ou n’offre pas de possibilités d’intégration aux réfugiés (Bulgarie, Hongrie, Italie…). S’ils demandent l’asile en France, ils risquent donc d’être renvoyés dans le pays où ils ont laissé leurs empreintes digitales. Et s’ils demandent l’asile en France, ils devront y donner leurs empreintes, et ils ne pourront plus demander l’asile dans un autre pays.

Lorsqu’ils arrivent en France, les exilés voient des demandeurs d’asile vivre à la rue. Il faut un délais variable selon les préfectures, généralement de plusieurs mois, pour obtenir le premier rendez-vous qui permet d’entrer dans la procédure d’asile.Pendant ce délais, ils sont sans-papiers et à la rue. Ensuite ils doivent attendre souvent plusieurs mois une proposition d’hébergement, souvent dans un foyer d’hébergement d’urgence où aucun accompagnement des demandeurs d’asile n’est prévu.

La CFDA (Coordination Française pour le Droit d’Asile) a fait en 2012 un rapport complet sur la dégradation de l’accueil des demandeurs d’asile en France. Les choses ne se sont pas arrangées depuis. Et les exilés sont informés de la situation, puisqu’ils rencontrent des demandeurs d’asile à la rue.

Par ailleurs, les exilés sont confrontés aux contrôles et arrestations à répétition, insultes et brutalités policières, notamment à Calais. Ils ont compris que pour les autorités françaises ils n’étaient pas les bienvenus, et le premier mot de français qu’ils ont appris de la police est généralement « dégage ». Tout est fait au quotidien pour qu’ils n’aient pas envie de rester en France.

C’est donc dans ce contexte qu’intervient le directeur général de l’OFPRA. Le dispositif qu’il propose évite le temps d’attente à la rue avant le rendez-vous en préfecture et la proposition d’hébergement – ce qui est d’ailleurs le simple respect de la loi, et on se demande pourquoi l’État ne respecte pas la loi tout le temps. Mais rien n’est dit quant aux hébergement proposés et surtout au suivi de la demande d’asile des personnes, qui est essentiel pour avoir une chance d’obtenir une réponse positive (le dossier de demande et le récit de vie doivent être écrits en français par exemple, les chances de réponse positive sont plus élevées pour les personnes qui ont pu préparer leur entretien avec l’OFPRA que pour les personnes qui n’ont reçu aucune aide).

On a déjà eu le mois dernier un détournement des missions de l’ARS (Agence Régionale de Santé) pour le montage d’une fausse opération contre la gale pour donner une couleur humanitaire à l’expulsion de trois campements. Maintenant c’est l’OFPRA qui est détourné de sa mission de protection des réfugiés pour jouer le rôle de la « main tendue de la France » dans une opération publicitaire visant à mieux faire passer l’expulsion des exilés qui occupent le lieu de distribution des repas.

Au moment où une réforme de la législation française sur l’asile est en discussion, ce détournement des missions de l’OFPRA est particulièrement inquiétant.

 

Pentax Digital CameraMercredi 18 juin, le directeur général de l’OFPRA au lieu de distribution des repas.