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Le carrefour de la rue Lamy et du boulevard des Alliés. D’un côté du boulevard, le bâtiment abandonné de l’ancienne douane, entouré d’une pelouse elle-même entourée de grilles. Celle-ci ont été installées suite à l’évacuation en septembre 2012 d’un campement qui s’abritait sous les arcades du bâtiment, pour empêcher l’accès au terrain. De l’autre côté, des buissons bordent les deux rues. Derrière, une ancienne voie ferrée traverse une pointe herbeuse. Derrière, un parking, où des camions stationnent pour la nuit, puis une écluse, puis le port derrière ses grilles. De l’autre côté de la rue Lamy, l’entrée du lieu aménagé pour les distributions de repas aux exilés (voir ici).

http://goo.gl/maps/JLPNO

Septembre 2013, une série d’expulsions de squats jettent les exilés par les rues, cherchant un refuge chaque soir, délogés au petit matin par la police. Quelques tentes s’installent là à l’abri des haies, tôt délogées, tôt revenues. Une dizaine de personnes dorment aussi sous la dernière arcade accessible de l’ancienne douane – ils en seront chassés et l’arcade fermé par des plaques de contreplaqué.

Le 2 octobre les exilés syriens occupent l’accès piéton du port, révoltés par la chasse à l’homme dont ils font l’objet à Calais. Ils demandent à rencontrer les autorités françaises et britanniques, et à être autorisés à déposer une demande d’asile au Royaume-uni. L’attention médiatique va croissant. Le 4 octobre, après une tentative manquée d’évacuation par la police (deux exilés sont montés sur le toit d’un bâtiment et menacent de sauter), le sous-préfet puis le préfet du Pas-de-Calais viennent rencontrer les manifestants, puis des représentants de l’administration britannique des frontières. Ceux-ci rappellent aux exilés le cadre légal existant et répondent négativement à leur demandent de pouvoir aller librement a Royaume-uni demander l’asile. Les Syriens lèvent leur sit-in.

Ils vont alors s’installer sur l’étendue herbeuse à l’angle de la rue Lamy et du boulevard des Alliés. De quelques tentes et une douzaine de personnes on passe à un campement de soixante-dix à quatre-vingt personnes. Au fil du temps, des Kurdes, des Irakiens, des Égyptiens, des Cachemiris, des Afghans, des Égyptiens, des Pakistanais, des Algériens, des Ghanéens et d’autres viennent s’installer là de manière plus ou moins prolongée.

Pendant longtemps, ce campement a conservé la tonalité militante de ses origines. De là partent des messages adressés au Parlement européen et aux États européens en octobre 2013 (voir ici et ), et deux manifestations contre le harcèlement policier en février 2014 (voir ici). Mais c’est aussi un campement tout en tension entre communautés et groupes qui n’ont pas choisi de cohabiter sur un espace aussi petit.

Au fil du temps, le campement s’est en effet agrandit, jusqu’à occuper toute la langue herbeuse disponible, et densifié, des cabanes plus grandes succédant aux tentes. L’évaluation est difficile, mais il accueillerait dans les trois cents personnes actuellement.

Il fait l’objet d’une pression policière particulière. Mais il interroge aussi, situé à deux pas du port, et à l’orée du centre-ville. Pour l’instant, le Conseil régional, propriétaire du terrain, ne demande pas l’évacuation. Une occasion ? Tout pousse en effet à ne pas laisser la situation en l’état, le nombre de personnes, la situation sanitaire (la gale a fait son apparition), la quasi absence de toilettes (il y en a trois à l’entrée du lieu de distribution des repas, dans un état déplorable), la mauvaise gestion des déchets (malgré la présence d’une benne), les tensions à l’intérieur du camp, sa visibilité. Mais il suffirait aussi d’un feu vert du conseil régional pour commencer à améliorer les conditions de vie et d’hygiène et pour amorcer une transformation du lieu avec ses habitants.

Une occasion de sortir de douze ans d’expulsions et de campements insalubres ? Peut-être.

 

Pentax Digital Camera6 février 2014. Le campement au petit matin. À gauche derrière la voiture grise et dans le fond derrière les tentes, ont distingue les véhicules de police qui l’encerclent. Ceci est une rafle.