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Alors que les autorités tergiversent pour peut-être mettre en place quelque chose probablement pour une cinquantaine de mineur-e-s non-accompagné-e-s à Calais, les associations de soutien aux exilé-e-s, après leur avoir adressé un courrier leur demandant de clarifier leurs intentions, publient un communiqué les enjoignant de prendre rapidement des mesures et de mettre en œuvre la décision du 20 avril 2016 du Défenseur des Droits.

On constate en effet que s’il semble possible de mobiliser sans cesse plus de compagnies de CRS et de gendarmes mobiles, de financer des équipements de détection sophistiqués, des kilomètres de murs et de grillages ou des opérations de communication, l’argent semble soudainement introuvable et les procédures d’une difficulté infinie dès qu’il s’agit de respecter les droits des personnes.

Les associations de soutien aux exilé-e-s ne sont pas les seules à le penser. L’UNICEF vient de publier une enquête sociologique sur la situation des mineur-e-s non-accompagné-e-s à la frontière britannique, intitulée « Ni sains, ni saufs », et dont les conclusions sont sans appel.

http://www.unicef.org/french/media/media_91576.html

Vous pouvez télécharger l’enquête de l’UNICEF ici.

Ci-dessous le communiqué de l’UNICEF accompagnant l’enquête, suivi de celui des associations.

« Communiqué de presse

Ni sains, ni saufs

Enquête sur les enfants non accompagnés dans le nord de la France

Paris, 16 juin 2016 – A quelques jours de la journée mondiale des réfugiés, l’UNICEF France publie Ni sains, ni saufs, une enquête sociologique sur les enfants non accompagnés sur le littoral du Nord et de la Manche, menée avec le soutien de la Fondation EDF et en partenariat avec UNICEF UK. Les résultats de cette enquête sont sans appel et révèlent les nombreux dangers auxquels sont exposés en permanence les enfants non accompagnés qui vivent dans les bidonvilles et camps du Nord de la France.

L’enquête a été réalisée par les sociologues de l’association Trajectoires, spécialisée dans les diagnostics sociologiques des populations vivant en bidonvilles en France. Ces diagnostics ont pour objectif d’appuyer les acteurs publics et associatifs dans la mise en place de solutions pertinentes pour l’intégration sociale de ces populations. Elle a été conduite entre les mois de janvier et avril 2016 dans sept bidonvilles sur trois départements du littoral de la Manche (Calais, Grande-Synthe, Angres, Norrent Fontes, Steenvoorde, Tatinghem, Cherbourg).

Pour l’UNICEF, l’objectif était de faire émerger précisément au cours de ces entretiens les besoins spécifiques et les points de vulnérabilité des enfants non accompagnés afin d’élaborer une série de recommandations pour améliorer leur prise en charge à travers les dispositifs existants ou à créer.

Des conditions de vie inhumaines, des violences multiples, la peur permanente

A travers 61 entretiens menés de manière confidentielle, individuels et collectifs d’enfants et d’adolescents non accompagnés âgés de 11 à 17 ans, originaires d’Afghanistan, de Syrie, d’Egypte et d’une dizaine d’autres pays, l’enquête s’attache à détailler les motivations, les différents parcours migratoires, le quotidien en mode survie et les projets de ces enfants déracinés. A leur arrivée en France, beaucoup d’entre eux ont déjà traversé des expériences traumatisantes. L’enquête montre que ces mineurs non accompagnés sont en danger, dans tous les sites étudiés.

Ils vivent dans des conditions inhumaines et dégradantes. Leur santé physique et psychologique est affectée par ces conditions de vie extrêmement difficiles. Ils souffrent du froid et de la fatigue. Certains ne mangent qu’un repas par jour et pour tous, les conditions d’hygiène sont très insuffisantes. Ils sont souvent contraints d’effectuer des tâches pour des adultes. Dans les camps, aucun des MNA n’avait accès à une scolarisation régulière pourtant obligatoire.

Les enfants et les jeunes, de par leur fragilité, sont parmi les plus exposés aux violences et au risque de traite des êtres humains. Les deux principales craintes exprimées dans les entretiens sont d’une part les violences exercées par les forces de police, les milices de civils et les passeurs et d’autre part les agressions sexuelles pour les filles et les garçons.

Violations des droits de l’enfant, déni de protection

Ces situations mettent en évidence une série de violations au regard de la Convention relative aux droits de l’enfant, ratifiée par la France. Les éléments recueillis au cours de ces entretiens démontrent que les conditions de vie observées, les violences, les risques liés au passage, les rapports monétaires au sein des bidonvilles et les formes d’asservissement qui en résultent constituent une mise en danger permanente de ces enfants.

L’enquête souligne également que les dispositifs de protection de l’enfance ne sont pas adaptés aux profils de ces enfants et adolescents. Il ressort des entretiens que les mineurs ne sont majoritairement pas au courant du système de protection. Et lorsqu’ils ont accès à des informations, elles sont souvent partielles et contradictoires. La prise en charge, quand elle est proposée, ne permet pas d’assurer une « accroche » durable du jeune potentiellement en danger.

Face aux risques de violences et d’exploitations de plus en plus accrus du fait des séjours plus longs et des passages plus difficiles, il est essentiel que de nouvelles solutions soient proposées. Des expérimentations et des ajustements de la protection de l’enfance, telle qu’elle existe en France, sont absolument nécessaires. C’est pourquoi l’UNICEF France, en lien avec l’UNICEF UK et les ONG travaillant sur le terrain, propose 9 recommandations permettant d’assurer une réelle protection des enfants non accompagnés ainsi que l’application effective du droit à la réunification familiale.

Pour Sébastien Lyon, directeur général de l’UNICEF France : « La création de lieux de protection sans condition, permettant de donner une information dans leurs langues et adaptée à leur âge est primordiale pour tous les enfants isolés qui vont continuer à arriver en France. Afin qu’ils ne vivent pas ce qu’ont vécu les enfants non accompagnés lors de l’hiver 2015. »

Recommandations

Protection de l’enfance : 6 Recommandations aux pouvoirs publics français

  • Créer un lieu de « protection » sur sites, sécurisé et spécifique aux mineurs isolés (à Calais et à Grande-Synthe et à Cherbourg et sur les sites éventuels à venir à Paris ou en Ile de France), avec une prise en charge inconditionnelle permettant aux jeunes de se poser, dans la perspective ensuite d’un accès au droit commun.
  • Garantir à tous les enfants l’accès à une information précise, adaptée à leur âge et dans leur langue.
  • Renforcer et coordonner les maraudes sur les sites de la région avec l’objectif d’unifier les pratiques, les informations diffusées et d’avoir accès à tous les enfants, y compris au sein des « petits camps ».
  • Instaurer des formations régulières pour les intervenants associatifs, les forces de l’ordre, les administrateurs ad hoc et les bénévoles, sur la protection de l’enfance, l’identification de situations de violence et de traite (TEH) et élaborer un document pratique de référence facilement diffusable.
  • Rappeler le cadre légal de la protection de l’enfance, dont l’importance des signalements aux parquets et des informations préoccupantes pour responsabiliser les conseils départementaux dans leur mission de prise en charge des mineurs en danger.
  • Reporter toute évacuation en l’absence de mise en place d’un dispositif d’accueil et d’accompagnement des MNA adapté.

Réunification familiale : 3 recommandations aux pouvoirs publics français et britanniques

  • S’assurer que les gouvernements français et britannique dédient suffisamment de ressources au système permettant la réunification familiale, intégrant la notion de famille au sens large
  • S’assurer que les enfants aient des informations fiables relatives à la procédure de réunification familiale via le règlement Dublin.
  • Garantir aux mineurs non accompagnés l’accès à une assistance juridique de qualité afin que leur demande de réunification familiale au Royaume Uni soit soumise dans des délais raccourcis (de 10 mois actuellement à 3 mois). »

« Communiqué de presse

Calais, le 15.06.2016

Aujourd’hui, entre 350 et 550 mineurs isolés (sur)vivent à Calais, dans le bidonville ou dans les containers du Centre d’accueil provisoire (CAP), dispositif non habilité à héberger des mineurs dans lequel sont mis à l’abri des hommes majeurs seuls et des familles avec enfants.

Ces centaines de mineurs seuls, des garçons principalement, mais également des jeunes filles, dont le nombre ne cesse d’augmenter, subissent les conditions de vie extrêmement précaires, l’insécurité et les violences croissantes du bidonville de Calais.

Les autorités compétentes, Etat et Conseil Départemental du Pas-de-Calais, ne semblent pas du tout avoir pris la mesure de la gravité et de l’urgence de la situation et ne peuvent abandonner ces enfants qui ont fui la guerre et l’horreur.

Le Défenseur des Droits, vivement alarmé par la situation des mineurs isolés étrangers (sur)vivant sur le bidonville de Calais, avait, dans sa décision n° MDE 2016-113 datée du 20 avril 2016, constaté, l’absence de mise en œuvre de solutions adaptées de mise à l’abri des mineurs non accompagnés du bidonville.

Dans cette décision, le Défenseur des Droits se félicitait  que les services de l’Etat et ceux du Conseil Départemental travaillaient à la mise en place d’un accueil de jour doublé d’une possibilité de mise à l’abri de nuit.

Ce projet était également mentionné par le Directeur Départemental de la Cohésion Sociale qui, dans un courrier du 22 mars 2016, confirmait que l’Etat envisageait de financer des hébergements sous forme de modulaire pour la mise à l’abri des mineurs.

A la suite de la décision du défenseur des droits, plusieurs associations[1] intervenant sur le bidonville de Calais ont interpelé la Préfète du Pas-de-Calais et le Président du Conseil Départemental dans un courrier daté du 17 mai 2016. Ce courrier est aujourd’hui encore sans réponse.

Malgré l’urgence de la situation rien n’est à ce jour proposé pour protéger les mineurs présents à Calais. Rien, si ce n’est une mise à l’abri à 40km dans un dispositif saturé et qui ne prend pas en compte la réalité de nombre de ces jeunes : leur souhait de se rendre en Grande Bretagne coûte que coûte, et le fait qu’ils resteront donc non loin des lieux de passage vers ce pays.

Face à cette absence de réaction pour protéger des mineurs en danger, nos associations cherchent à pallier les carences des autorités. Mais elles n’ont ni vocation ni compétence pour mettre à l’abri ces jeunes en danger.Nous appelons donc l’Etat et le Conseil Départemental à agir  en urgence et à mettre en œuvre les moyens nécessaires à la protection immédiate de ces mineurs.

SIGNATAIRES : Care4Calais, Elise Care, Emmaüs France, Help Refugees, Legal Shelter/La Cabane Juridique, L’Auberge des Migrants, Médecins du monde, Médecins sans frontière, Salam Nord Pas-de-Calais, Secours catholique – Délégation du Pas-de-Calais

[1] Emmaüs France, L’auberge des migrants, La cabane juridique, Médecins du monde – délégation Haut de France, Médecins sans frontière et le Secours catholique – délégation du Pas-de-Calais »

 

Des truction bidonville 2016-03-11 bébé

Photo association Polyvalence     http://assopolyvalence.org/      https://www.facebook.com/assopolyvalence/