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Ce printemps dans le bidonville, un groupe de personnes viennent prendre des contacts pour un projet soutenu par l’UNESCO. Parmi elle, un Pakistanais. Quand il apprend que des Pakistanais habitent le bidonville, sa surprise fuse : « mais pourquoi viennent-ils en Europe alors qu’il y a tant d’opportunités en Inde ? »

Dans le monde réel, tout le monde ne vient pas en Europe, tout le monde ne veut pas venir en Europe, et il se passe des choses ailleurs. Si on se projette dans vingt ans, on aura une Europe démographiquement vieillie, qui se sera rendue odieuse au reste du monde et se sera isolée. Est-ce l’avenir que nous voulons ?

Ramenée à la situation du bidonville et à l’opération policière de ces derniers jours, la question devient : est-ce qu’il ne serait pas plus intelligent d’accueillir les gens et d’accompagner leur créativité, plutôt que de déployer 150 policiers pour trois jours de rafle avec confiscation du stock et des équipements ?

Quelques profils de commerçants. Un homme, la cinquantaine, assez corpulent. Il a vécu plusieurs années au Royaume-uni, pratiquement il rentre chez lui en y retournant. Mais c’est physique de passer dans les camions, il n’y arrive pas et ça fait deux ans qu’il est bloqué à Calais. La France ne lui propose rien de mieux que le bidonville, alors il y travaille, dans un restaurant.

Le premier accueil des demandeur-se-s d’asile est délégué par l’Etat à des plate-formes gérées par des associations. La mission de la plate-forme de Calais se limite a accompagner les personnes dans leurs démarches devant l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides) en première instance, mais pas d’accompagnement en cas de recours devant la CNDA (Cour Nationale du Droit d’Asile), et pas d’accompagnement des personnes ayant obtenu le statut de réfugié. Donc il y a des gens qui ont passé toute la procédure sans être hébergés, et sont toujours dans le bidonville quand ils ont obtenu une réponse positive et un titre de séjour. Et les commerces du bidonville sont un moyen d’avoir une activité et un revenu.

Alors ce n’est pas très légal, mais l’Etat a aussi l’obligation légale d’héberger les demandeurs d’asile et ne le fait pas, et en matière de droit des étrangers l’Etat n’est pas en position de donner des leçons de respect des lois. La préfète du Pas-de-Calais a récemment été primée deux fois par la CIMADE pour ses pratiques particulièrement contestables.

La seule chose que l’Etat a pour lui, c’est la force. Et c’est bien à une démonstration de force à laquelle nous avons assisté ces derniers jours avec ce déploiement policier médiatisé. A défaut d’être respecté et respectable, gouverner par la peur.

Pas légaux, les commerces du bidonville, mais une phrase qui revient fréquemment dans la bouche des commerçants dépouillés de leurs biens : « mais nous on ne demande que ça, de pouvoir exercer légalement et de pouvoir payer des taxes ».

N’oublions pas que c’est l’Etat qui a créé cette situation, y a mis ces personnes et les y maintiens.

Et il ne semble pas que ses représentants pensent à une issue constructive.

 

Louise-barber lightBidonville de Calais, l’échoppe d’un coiffeur par Loup Blaster http://loupblaster.tumblr.com