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L’augmentation de la tension sur le littoral français amène de plus en plus d’exilé-e-s à tenter de gagner le Royaume-uni par le littoral belge, ou par les parkings autoroutiers de Belgique pour monter dans des camions venant à Calais pour traverser la Manche.

Les bourgmestres de la côte s’alarment, y compris dans des communes où il n’y a pas de possibilité de passage, donc pas d’exilé-e-s. Et lorsqu’à Zeebruges un prêtre ouvre son église pour abriter les personnes qui dorment dehors à même le sol ou sur des bancs, le bourgmestre de Bruges lui intime de fermer le bâtiment, cette porte ouverte pouvant créer un appel d’air.

Le gouverneur de la province de Flandre occidentale en rajoute une couche en demandant aux riverains de ne pas nourrir les exilés, toujours parce que ça fait des appels d’air. Il demande également la création d’un centre fermé (centre de rétention administrative dans la terminologie française) sur le littoral, qui serait le pendant de celui de Coquelles à Calais.

http://www.levif.be/actualite/belgique/flandre-occidentale-ne-donnez-pas-de-nourriture-aux-sans-papiers/article-normal-457001.html

Le ministre de l’intérieur monte à son tour au créneau, déclenche des rafles en fin de semaine passée et déclare qu’il ne tolérerait pas de campements de tente, ce qui correspond à la consigne qu’avait déjà la police et permettait de rendre les exilé-e-s moins visibles. Pour justifier la violence de sa politique, il agite le spectre d’un autre Calais.

http://www.rtbf.be/info/belgique/detail_jambon-ne-tolerera-pas-un-camp-de-tentes-comme-a-calais-une-operation-est-en-cours?id=9198788

Contrôles au faciès dans les transports en commun, harcèlement policier, rafles, opérations policières sur les parkings autoroutiers, extrême précarité des conditions de vie : de manière connue au moins de puis 2008, on retrouve à la frontière belgo – britannique et à ses approches la même situation qu’à la frontière franco – britannique.

Avec toutefois une bien plus grande visibilité médiatique maintenant en raison des réactions en chaîne entraînées par la grande peur des bourgmestres du littoral.

La situation à Calais est due à la fermeture de la frontière britannique à certaines populations et à la politique de non-accueil des autorités françaises. La fermeture de la frontière britannique et la politique de non-accueil des autorités belges entraîne les mêmes effets sur le littoral belge. Et à crier qu’on ne veut pas d’un autre Calais on en construit un.

 

Dans ce contexte, le CIRÉ (Coordination et Initiatives pour Réfugiés et Étrangers), association membre de Migreurop, fait entendre une autre voix et invite à d’autres perspectives.

Voici son communiqué :

http://www.cire.be/presse/communiques-de-presse/les-migrants-non-plus-ne-veulent-pas-d-un-calais-bis

« Les migrants non plus ne veulent pas d’un « Calais bis »

Communiqué de presse – 2 février 2016 – Les propos du Gouverneur de Flandre occidentale invitant à ne pas donner de nourriture aux migrants s’ajoutent à une série de réactions politiques problématiques sur la situation des migrants à Zeebruges. Les migrants sont à nouveau pointés comme un problème dont il faut se débarrasser, au détriment du respect de leurs droits fondamentaux.

Ces dernières semaines, face à l’arrivée de migrants à Zeebruges, les réactions politiques se sont multipliées. Les autorités locales et le Ministre de l’Intérieur craignent que le phénomène ne prenne de l’ampleur et s’inquiètent de voir des campements s’installer sur nos côtes. La sécurité et les contrôles sont renforcés.

Les migrants se retrouvent livrés à eux-mêmes, errant près d’une église, dans les dunes et près du port de Zeebruges. Loin d’être comparable avec ce qui se passe à Calais et à Dunkerque, la situation est pourtant difficile pour ces migrants. Ils se retrouvent dans des conditions humanitaires déplorables (pas d’accès à de l’eau potable ou à des sanitaires, pas d’endroit fermé et chauffé pour passer la nuit). Alors qu’ils survivent grâce à l’aide de bénévoles, le Gouverneur de Flandre occidentale demande désormais de ne plus leur donner de nourriture. Car sinon, d’autres viendront…

Mais que veulent ces migrants ? Ils ne veulent pas errer dans Zeebruges. Ils ne veulent pas d’un nouveau Calais à la côte belge. Ils veulent rejoindre la Grande-Bretagne, parce qu’ils y ont de la famille, y ont parfois déjà vécu, sans pouvoir y retourner. Le droit de vivre en famille, garanti notamment par la Convention européenne des droits de l’Homme et la Convention des droits de l’enfant, n’est pas respecté dans bon nombre de cas. Ces migrants devraient pouvoir rejoindre leurs proches et faire les démarches de séjour ou demander l’asile au Royaume-Uni. Parce que oui, nombre de ces personnes sont à la recherche de protection et ont droit de déposer une demande d’asile en vertu de la Convention de Genève de 1951 ou des directives européennes en la matière.

Face à cette situation où les droits fondamentaux des migrants sont bafoués, nous demandons aux autorités belges que de l’aide humanitaire et médicale soit mise en place urgemment à la côte, pour assurer la dignité des migrants. Les dispositifs répressifs, sécuritaires et dissuasifs ne sont pas une solution. Il faut que la Belgique fasse pression sur le Royaume-Uni, pour que les migrants puissent s’y rendre. La meilleure manière d’éviter les « jungles », ici et ailleurs, est de permettre aux migrants de circuler, de manière sûre et légale entre la France, la Belgique et la Grande-Bretagne (et plus largement en Europe) afin de permettre l’exercice du droit d’asile et la réunification des familles séparées.

La situation actuelle est le résultat de politiques migratoires qui bloquent, trient, repoussent et empêchent les migrants d’arriver. Elle n’est donc pas inéluctable. Pour qu’il n’y ait pas de nouveau Calais à Zeebruges, ni ailleurs, le Royaume-Uni doit ouvrir sa frontière. Il faut une prise de responsabilité et un véritable dialogue pour une gestion intelligente de la problématique migratoire. »

 

Zeebruges CiréLa jetée du port de Zeebruges – photo CIRÉ.