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Une artiste avait fait le portrait de Samrawit, la jeune fille qui est morte lors d’une tentative de passage sur la rocade portuaire la semaine dernière. Voici ce qu’elle écrit :

« Samrawit avait 17 ans.
Elle venait d’Érythrée.

Elle était arrivée à Calais il y a cinq semaines, seule.
Elle voulait rejoindre son grand frère en Grande Bretagne.
Elle était à l’abri à l’hébergement des femmes.

Elle est partie pour le camp de Steenvoorde pour tenter de passer le retrouver.
Lorsque ce camp a soudainement été démantelé il y a une semaine elle est revenue, comme beaucoup de ceux qui s’y trouvaient, à Calais.

Le lendemain, un camion l’a percutée sur la route où elle se trouvait avec d’autres réfugiés cherchant en panique à arrêter le traffic pour « passer ».

Le camion ne s’est pas arrêté.

Avec toutes les caméras qui surveillent toutes ces rocades et autoroutes, on imagine que l’enquête s’il y en a une, aboutira?

Samrawit était mineure, elle relevait de la Protection de l’Enfance. Elle aurait dû pouvoir retrouver directement son frère en Grande Bretagne.

Le démantèlement d’un camp a un coût humain terrible!

Les femmes, les éducateurs et toute l’équipe de l’hébergement des femmes, ont un immense chagrin.

Dessiner Samrawit a été me confronter à un regard d’une profondeur, d’une gravité et maturité exceptionnelles.

Je pense au titre d’une superbe série de dessins d’Asger Jorn

« Les enfants interrogateurs » »

 

D’où l’on retient aussi qu’elle était mineure, que l’Aide Sociale à l’Enfance aurait dû (avait l’obligation de) prendre des mesures pour sa protection, et que ça n’a pas été fait, comme pour les autres mineur-e-s laissé-e-s à l’abandon dans le bidonville ou dans les structures de mise à l’abri que l’Etat a posé à côté, dans le centre Jules Ferry et dans les containers.

Qu’elle aurait pu (qu’elle aurait dû pouvoir) rejoindre son frère légalement au Royaume-uni. Mais quels que soient les efforts du personnel du centre de mise à l’abri des femmes et enfants pour rendre les conditions d’accueil plus humaines, l’Etat n’a pas jugé utile de mettre en place un accompagnement juridique des personnes, et la Vie active, qui gère le lieu, n’a pas jugé nécessaire d’en prendre l’initiative.

Qu’elle était partie au campement de Steenvoorde pour essayer de passer au Royaume-uni à partir du parking autoroutier voisin. Mais le lundi 11 juillet au matin elle était à Calais, bloquée là par la destruction du campement de Steenvoorde. La nuit suivante, elle essaye de passer de Calais, sur la rocade.

Et elle est morte, renversée par un camion qui ne s’est pas arrêté.

Et à chaque pas qui la conduit à la mort, la responsabilité des autorités françaises, par le délaissement ou par la destruction.

 

SamrawitDessin Anne Gorouben http://www.annegorouben.com/  https://www.facebook.com/ANNE.GOROUBEN .