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Face aux difficultés rencontrées dans les Centres d’Accueil et d’Orientation (CAO – voir ici, ici, ici et ), les exilé-e-s, premier-ère-s concerné-e-s, organisent leurs propres protestations. Mais leur voix, prise entre réponse policière et condescendance de certaines associations qui assimilent leur parole à un symptôme sans en entendre les mots, peine à sortir des murs.

Réponse policière à Laon, dans l’Aisne, où un exilé a été arrêté. Au-delà de quelques éléments factuels on ne sait rien encore des motivations et des revendications que les exilés ont formulées.

http://www.lechatnoir51.fr/2016/11/mouvement-de-protrstation-au-cao-de-laon.html

D’une grève de la faim au CAO de Beaucé, à côté de Fougères, en Ille-et-Vilaine, on ne connaît que la relecture par des associations qui la présentent comme l’expression d’un malaise dont elles veulent parler avec le préfet, sans qu’une participation des personnes concernées semble envisagée. Il est difficile en tout état de cause de comprendre la situation sans connaître le point de vue des principaux intéressés.

Nous avons plus d’informations sur la grève de la faim au CAO de Rennes, puisque les exilés ont rédigé un communiqué, qui a été diffusé accompagné d’un texte des soutiens apportant des éléments de contexte. Manque juste un contact qui permette de faire le lien et de se tenir au courant de la situation.

C’est à partir de ces éléments diffus, partiels, épars, que nous pouvons essayer de comprendre la manière dont les expulsé-e-s de Calais dispersé-e-s dans toute la France font face collectivement à la situation qui leur est faite.


Vous pouvez télécharger le communiqué des exilés du CAO de Rennes ici.

« Mercredi16 novembre 2016 à Rennes

Nous sommes des personnes qui ont passé environ deux ans, un an, six mois dans la jungle de Calais. La vie à Calais est trop difficile mais nous voulions aller en Grande-Bretagne.
A Calais, il y a eu une rencontre avec le responsable de l’OFPRA de Paris et une personne du gouvernement français. Presque tout le monde a donné ses empreintes en Italie. Ils nous ont dit qu’ils allaient oublier le fait qu’on ait donné nos empreintes si on allait dans les villes, qu’on pouvait choisir. Et qu’ils allaient nous donner les documents nécessaires pour rester en France ou voyager.
A cette réunion là, il y avait des gens à qui la même promesse avait été faite en 2015 et qui avaient appris que leur Dublin n’allait pas être cassé et ont réussi à retourner à Calais. La personne de l’OFPRA a promis que cette fois çi ça ne se reprodurait pas.
On leur a fait confiance par ce que ce n’était pas des porte-paroles qui étaient venus nous voir mais des hauts responsables.
Maintenant, la situation est le contraire de ce qu’ils nous ont dit : quand on est allé à la préfecture d’Ille et Vilaine, on nous a dit que la décision était qu’ils allaient demander à l’Italie si on pouvait être réadmis vers ce pays.
Personne ne voulait rester en France mais ils nous avaient promis qu’on pouvait y rester.
On a eu des rendez-vous par communautés, par pays pour nous expliquer qu’il ne fallait pas fuir, qu’ils avaient certainement nos empreintes ailleurs mais que c’était pas grave, ça arrivait de se faire contrôler, mais on nous a promis que la procédure de DUBLIN allait être cassée.

Nous, on les a cru, mais comme on ne voulait pas rester ici vu que la France était un pays de passage, mais si on était acceptés ici on voulait bien y faire notre demande d’asile. Mais au final, on se rend compte que c’est faux.

Comme c’est le contraire qui sont entrain de nous faire vivre, nous on ne mangera pas et puis y’a rien à faire donc on ne peut que faire ça, s’arrêter de manger. Du coup, hier, le 15 novembre, on a décidé ensemble d’arrêter de manger et aussi aujourd’hui on a dit au bénévoles qui nous donne des cours de français qu’on ne voulait pas faire le cours, qu’on était fatigué par la situation et qu’on avait pas que ça à faire.

Les responsables de Coallia, on ne sait pas vraiment qui ils sont. Au final, les responsables de Coallia ne font rien, on s’est pas si c’est des travailleurs sociaux ou pas. Y’a un responsable qui s’occupe des repas et qui rempli les demandes d’asile des personnes qui sont en procédure normale, ils posent les questions en anglais pour remplir la demande, sinon on peut avoir une traductrice en arabe.
Là, on est énervés, on est stressés à force de pas savoir ce qu’il nous attend.
On veut que les personnes qui s’occupent de nos demandes viennent nous voir et nous parler et ne pas avoir comme interlocuteur les responsable de Coallia qui ne savent rien de nos demandes, ni ne peuvent s’engager.
Par la grève de la faim, on veut que les supérieurs soient avertis pour pouvoir leur parler du fait que la promesse n’a pas été tenue.

Les migrants erythréens, soudannais et sommaliens de Calais à Rennes. »

« Aujourd’hui, mercredi 16 novembre, les responsables de Coallia du CAO de Rennes, ont refusé la tenue d’une rencontre avec une avocate et une traductrice sous pretexte que le CAO était un lieu privé et que chaque activité proposée devait être validée par ses responsables. Les personnes hébergées au CAO ont refusé de s’alimenter depuis 24h et boycottent le peu d’activités proposées par Coallia.
Face à ce refus d’accès à l’information et à leurs droits pour les personnes migrantes, nous nous organisons de notre côté pour soutenir leurs démarches.
Le texte ci-dessus a été écrit collectivement par les personnes migrantes traduit de l’anglais et tigrinien et traduit en français à l’aide d’une traductrice. »


Vous pouvez télécharger le communiqué des soutiens ici.

« Démantèlement de Calais: expulsions en passant par la case CAO.

L’objectif de l’expulsion de Calais était de réduire les migrants à l’invisibilité.

On veut par ce témoignage raconter ce qui se passe au CAO de Rennes, appeler à visibiliser les diverses situations des personnes « mises à l’abri » dans tous ces centres et s’organiser pour coordonner les différentes résistances.

Tant à Calais au moment de leur départ, qu’à leur arrivée au CAO, il a été dit et promis aux migrants que ceux d’entre eux qui sont le coup de la procédure de Dublin verraient leur procédure normalisée, c’est-à-dire qu’ils ne seraient pas renvoyé dans le premier pays où ils se sont fait enregistrés en arrivant en Europe (souvent l’Italie ou la Grèce). On leur a alors promis qu’ils pourraient effectuer leur demande d’asile en France. (cf premier article expansive)

A Rennes, vendredi dernier, à l’occasion d’une cantine que nous avons co-organisé avec les migrants, nous avons pu discuter avec eux de leur situation administrative. Coallia, qui gère ce centre, les presse de remplir leur dossier de demande d’asile sans pour autant mettre à disposition de traducteurs. Par ce manque de temps et de personnes pour traduire leurs récits, certains des migrants imaginaient l’écrire en arabe (alors que leur langue est le tigrinien, langue majoritaire en Erythrée) et le traduire à l’aide de google traduction. Cela rend forcément le récit de choses intimes et personnelles plus compliqué et moins précis et donc les dossiers incomplets et incompréhensible.

Ce qui favoriserait un refus de la demande d’asile, alors qu’en théorie l’Etat devrait fournir un.e traducteur.ice et une aide administrative pour remplir tous les dossiers.

Ensuite, nous avons appris que 36 migrants sur les 47 présents au CAO, lors de leur convocation à la préfecture entre le 2 et le 7 novembre, n’avaient absolument pas eu de procédure normalisée. Cela veut dire qu’au moins 36 migrants sont en procédure Dublin et vont se voir renvoyés dans le pays où ils ont donné leurs empreintes: dans leur cas, l’Italie. La majorité d’entre eux sont ainsi convoqués les 24 et 25 novembre prochain pour une « notification de la décision de remise: Italie, et sa mise à exécution ». Aucun d’entre-eux n’étaient au courant de la raison de leur convocation, alors que la convocation présente la « signature du traducteur ayant traduit le motif de la convocation ».

Leur « traducteur » s’est contenté de leur communiquer par téléphone l’heure et la date du rendez-vous.

Les responsables de Coallia ne leur ont donné aucune garantie que ce ne sont pas les policiers qui vont les attendre à leur prochain rendez-vous à la préfecture ou que les policiers ne viendront pas les chercher directement au centre.

A coté de la situation administrative catastrophique, l’intégrité physique des personnes n’est pas respectée non plus. Vendredi soir, après la cantine, l’un d’entre eux s’est tordu de douleur. Il est en effet malade depuis longtemps, mais SOS médecins, appelés par la sécurité sur place, a refusé de se déplacer ayant « pour consigne de ne plus intervenir dans le CAO ». Qui leur a donné cette consigne?

Aujourd’hui, mercredi 16 novembre, les responsables de Coallia du CAO de Rennes, Victor et Pascal, ont refusé la tenue d’une rencontre avec une avocate et une traductrice. Les personnes hébergées au CAO ont refusé de s’alimenter depuis 24h et boycottent le peu d’activités proposées par Coallia. Nous nous organisons de notre côté pour soutenir leurs démarches.

Le gouvernement a voulu vendre le démantèlement de Calais comme une opération humanitaire.

Ils n’ont fait que disperser des migrant.es dans toute la France afin d’invisibiliser leurs situations et de faciliter la gestion des procédures et des renvois. »

 

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