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Un comité de pilotage national du dispositif des « centres de répit » ou Centres d’Accueil et d’Orientation (CAO) avait été mis en place. Il devait se réunir une fois par mois, la précédente réunion avait eu lieu en mars, il vient de se réunir à nouveau le 26 juillet. L’occasion pour la ministre du logement, seule présente en l’absence du ministre de l’intérieur, de faire quelques annonces dont certaines sont des confirmations.

3000 nouvelles places doivent être créées pour arriver à un total de 5000 places.

Première remarque, ça signifie que l’État n’entend toujours pas respecter la loi. Celle-ci prévoit qu’une demande d’asile doit être enregistrée sous trois jours (dix jours en cas de nombre de demandes exceptionnel. Et que les personnes aient ensuite accès au système d’hébergement des demandeur-se-s d’asile. Si la loi était respectée, les centres de répit n’auraient qu’un rôle secondaire, celui d’accueillir des personnes souhaitant prendre du recul pour réfléchir à leur projet migratoire, et il n’y n’aurait pas besoin d’une augmentation de 150% de la capacité d’accueil.

À Calais, le délais d’enregistrement des demandes dépasse deux mois, et des personnes dorment devant les bureaux de la PADA, la Plate-forme d’Accueil des Demandeurs d’Asile pour avoir une chance de faire partie du quota de personnes à qui on donnera le lendemain une date de rendez-vous.

La situation est la même à Paris, mais avec des délais qui dépassent quatre mois, et là aussi des gens qui dorment devant la PADA, et sont périodiquement chassées par la police. Avec des délais variant d’une région à l’autre, la situation est similaire partout en France.

Une fois la demande enregistrée, le nouveau problème est d’accéder à un hébergement, puisque le système d’hébergement des demandeur-se-s d’asile est saturé, le nombre de place étant chroniquement insuffisant.

Ce qui pose la question : faut-il créer des milliers de places de CAO alors qu’il manque des milliers de places d’hébergement dans le système d’accueil des demandeur-se-s d’asile ? Et alors que des gens sont bloqués dans les CAO faute de pouvoir être orientés vers les structures d’accueil pour demandeur-se-s d’asile parce qu’elles sont saturées ?

Conséquence à Calais, comme les CAO sont engorgés et qu’il n’y a pas assez de départs, des gens dorment dehors à l’endroit où partent les bus pour les CAO pour avoir une change d’y monter. D’où aussi un tri qui est fait sur place, des tensions, une situation indigne de plus.

Conséquence à Paris, les dernières évacuations de campements à Paris se sont faites sans relogement, puisque les CAO sont pleins, et les personnes sont chassées de lieu en lieu sans qu’aucune solution ne leur soit proposée.

Est-ce que l’État ne déplace pas le problème plutôt que le résoudre ? Est-ce qu’il n’est pas en train de créer un système d’accueil au rabais pour les demandeur-se-s d’asile, puisque le budget de fonctionnement alloué par l’État aux CAO est insuffisant pour assurer un accueil et un encadrement satisfaisant ?

Et surtout, la pérennisation des CAO est le signe de pérenniser l’accueil indigne des exilé-e-s là où se trouvent ces personnes. S’il y avait des conditions dignes d’accueil et un accès à l’information et à l’accompagnement à Calais, Dieppe, Norrent-Fontes, Paris et ailleurs où se trouvent les exilé-e-s, il n’y aurait pas d’utilité à les envoyer dans des centres par toute la France pour réfléchir à leur projet migratoire.

Les « centres de répit », un dispositif qui prolifère par la volonté de ne pas résoudre les problèmes.

Autre chiffre donné lors de cette réunion : 45% des personnes accueillies en CAO en partent sans être orientées vers un autre accueil.

Aucune analyse n’est faite de cette presque moitié d’échec. Ce qu’on voit à Calais, où reviennent une partie de ces 45% des gens, c’est des personnes qui ne souhaitent pas rester en France et reprennent donc leur route, des personnes qui ont trouvé dans les CAO une réalité complètement différente de ce qu’on leur avait dit à Calais, des personnes qui sont perdues parce que l’accompagnement était trop insuffisant et reviennent là où elles ont de repères, après avoir déposé une demande d’asile ou non, des personnes en procédure Dublin et qui ont peur d’être expulsées vers le pays responsable de leur demande d’asile, des personnes qu’on a forcées à monter dans un bus à l’occasion d’une expulsion de campement…

Le comité de pilotage aurait pu servir à approfondir ces questions pour améliorer le dispositif. Mais non.

Par ailleurs, 45% des personnes partent vers le dispositif d’accueil des demandeur-se-s d’asile, dont ont fait une demande d’asile et ont enfin trouvé une place dans ce dispositif.

Et 10% des personnes ont été orientées vers d’autres dispositifs, sans qu’on sache vers quoi. S’agit-il de personnes assignées à résidence ou placées en rétention pour être expulsées ? De personnes qui ont « choisi » l’aide au retour « volontaire » ? De personnes qui sont parties vers d’autres types d’hébergement, par exemple parce qu’elles avaient déjà le statut de réfugié ?

Des questions qui ne sont pas indifférentes si on se soucie du devenir des personnes qui partent dans ces centres.

 

Chagall Ulysse sirènesMarc Chagall : Ulysse et les sirènes.