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Annoncée dans la plus grande improvisation par le ministre de l’intérieur en visite à Calais le 21 octobre 2015, la création de ce qui reçoit d’abord des noms divers, notamment « centres de répit », avant de recevoir l’appellation Centres d’accueil et d’orientation, apparaît comme une nouveauté, plutôt bien accueillie par une partie des associations (voir ici, ici, ici, ici et ).

Si on se reporte quelques années en arrière, des dispositifs voisins ont déjà été mis en place, sous le nom d’Ulysse, à partir de la fermeture du Centre de Sangatte en 2002.

Le 13 décembre 2002, le ministre de l’intérieur adresse au préfet du Pas-de-Calais une instruction intitulée « Éloignement des étrangers en séjour irrégulier non éloignables présent aux abords de Sangatte », tandis que 6 compagnies de CRS sont déployées sur le terrain dans le cadre des opérations Ulysse et Concorde. Il s’agit de rafles, à l’issue desquelles les exilé-e-s expulsables sont placé-e-s en rétention, les autres étant conduits dans des lieux d’hébergement dispersés dans le reste de la France, où leur est proposé l’aide au retour « volontaire » et la demande d’asile en France.

Le mode opératoire mis en place en octobre 2015 est voisin. D’une part des rafles quotidiennes (voir ici, ici et ), avec l’envoi de cinquante personnes dans des centres de rétention aux quatre coins de la France. Mais la finalité n’est pas cette fois l’expulsion, puisque la plupart des personnes sont libérées au bout de cinq jours, pour laisser place un nouveau groupe de personnes arrêtées à Calais. Il s’agit de faire peur et de disperser les personnes. Ces rafles ont cessé en décembre 2015.

L’accès au dispositif d’hébergement est organisé de manière différente, puisqu’il se fait sur une base de volontariat, sans contrainte préalable de déposer une demande d’asile, mais il répond à la même volonté de l’État d’éloigner les personnes de Calais. Autre différence, il y a en 2015 dans le bidonville de Calais un nombre important de demandeur-se-s d’asile en cours de procédure et de personnes ayant obtenu le statut de réfugié, et sans hébergement. Ceci explique le succès du dispositif au départ, puisque le dispositif permettait à ces personnes ayant choisi de rester en France d’accéder enfin à un hébergement.

Les rafles de l’hiver 2002 – 2003 n’ont pas réussi à faire disparaître les exilé-e-s du Calaisis. En mai 2006 est mis en place le dispositif Ulysse 3, basé lui aussi sur les rafles, notamment à l’occasion d’évacuations de campements ou de squats. Les personnes étaient dispersées dans des foyers un peu partout en France, où elles avaient le choix entre l’aide au retour « volontaire », la demande d’asile en France, ou un Arrêté Préfectoral de Reconduite à la Frontière (APRF). Dans les faits, la grande majorité des personnes quittaient ces hébergements et revenaient à Calais.

Devant l’échec du dispositif, consigne a été donnée aux procureurs par une instruction du 31 janvier 2007 de poursuivre en justice les personnes ayant reçu un APRF (le simple fait d’être en séjour irrégulier est alors un délit en France, ce qui changera sous l’effet de la législation européenne). Puis le dispositif s’éteindra pour laisser place à un hébergement des seules personnes « choisissant » l’aide au retour « volontaire ».

Voir le chapitre 6 de la thèse d’Olivier Clochard, « La situation singulière de la région de Calais », 2007, pages 56 et 67, que vous pouvez télécharger ici.

Voir également le rapport de la Coordination Française pour le Droit d’Asile « La Loi des Jungles », 2008, pages 54 et 102-103, que vous pouvez télécharger ici.

 

Ulysse sirènes