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état d'urgence, bidonville, Calais, Droits de l'homme, Exilés
C’est un nouvelle épisode du détournement de l’état d’urgence (voir ici et là) pour ce qui prend les allures d’une guerre du gouvernement contre les exilé-e-s et les personnes qui les soutiennent.
Hier 3 février, le ministre de l’intérieur, en présence de son nouveau collègue à la justice (symbole d’une soumission au moins voulue de la justice à l’intérieur ?) reçoit les élus du Calaisis.
Dans le communiqué diffusé à l’occasion de cette rencontre, le ministre de l’intérieur annonce des mesures qui sont de l’ordre de la politique judiciaire, ce qui confirme la position subalterne du ministre de la justice.
Parmi les autres mesures annoncées, l’interdiction des manifestations à Calais, avec les réserves d’usage : « qui sont susceptibles d’occasionner des troubles à l’ordre public ».
Dans le droit commun, le droit de manifestation est un droit garanti par la constitution. Une manifestation fait l’objet d’une simple déclaration, le préfet pouvant de manière motivée l’interdire, en cas de risque de troubles à l’ordre public, cette interdiction pouvant faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif. Le droit de manifester est la règle, l’interdiction l’exception qui doit être motivée.
L’état d’urgence dans son article 5 permet au ministre de l’intérieur ou au préfet de prononcer des interdictions générales, sous certaines conditions, sachant que la notion invoquée de « désordre » est suffisamment floue pur permettre de larges abus :
« Peuvent être également interdites, à titre général ou particulier, les réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre. »
L’article 13 prévoit pour les contrevenants une peine de 6 mois de prison et de 7500 € d’amende :
« Les infractions aux articles 5, 8 et 9 sont punies de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende. »
Le communiqué du ministre de l’intérieur annonce également que « le ministre de l’Intérieur a indiqué que les contrôles d’identité allaient être renforcés à l’entrée et à la sortie de la Lande » (la Lande étant de nom poétique du bidonville dans la novlangue des autorités).
Or là, rien dans la loi instaurant l’état d’urgence ne permet au ministre de l’intérieur ou au préfet de décider de contrôles d’identité, le droit commun continue de s’appliquer, comme en témoignent aussi bien la lecture de la loi que l’analyse qu’en fait la Cimade (que vous pouvez télécharger ici) :
« Il faut noter que l’état d’urgence ne donne pas à lui seul aux forces de l’ordre le pouvoir de
contrôler l’identité des personnes (et donc d’interpeler par exemple des personnes risquant ensuite
d’être expulsées, abus pourtant constatés depuis l’entrée en vigueur de l’état d’urgence).
Les contrôles d’identité restent régis par le code de procédure pénal, en particulier son article 78-2,
qui prévoit la nécessité de le fonder sur des éléments objectifs de suspicion de commission d’une
infraction. »
C’est en toute décontraction que le ministre de l’intérieur annonce devant celui de la justice des mesures qui violent la loi.
Ces contrôles d’identité ont été mis en place dès aujourd’hui 4 février. Ils ont provoqué à l’entrée du bidonville des embouteillages allant jusqu’à bloquer la circulation sur la rocade d’accès au port, dont une sortie donne sur le bidonville. Peut-être des exilé-e-s ont pu tirer parti de cette situation en montant dans des camions bloqués là et ainsi atteindre l’Angleterre. Au pays d’Ubu tout est possible, y compris le meilleur.
Le communiqué du ministre de l’intérieur comprend aussi les tirades d’usage contre les passeurs. Ceux-ci ne se sont jamais portés aussi bien. Les possibilités de passage gratuit se sont considérablement restreintes, en bonne économie de marché les tarifs de leurs services devenus pratiquement incontournables ont explosé, et leur emprise s’est renforcée. Chaque soir, en contemplant d’un œil leur carnet de commande et de l’autre le contenu de leur caisse, ils doivent bénir Bernard Cazeneuve leur providence.
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