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Depuis le week-end des 24 et 25 octobre, suite à la venue de Bernard Cazeneuve le 21, la police entrave l’accès des véhicules humanitaires au chemin des Dunes (voir ici et ), qui est l’accès principal au bidonville de Calais (un autre accès est possible de l’autre côté, par l’autoroute, mais il est parfois bloqué par la police, ou par la rue des Garennes, mais il est en sens interdit et ne devrait en principe pas être utilisé).

Le 4 novembre, les responsables des associations avec lesquelles l’État accepte de parler (l’État n’accepte pas de parler à toutes les associations) ont eu la surprise de recevoir une note décrivant les conditions à remplir pour que des véhicules puissent accéder au chemin des Dunes. Il s’agit de fournir à chaque chauffeur une attestation nominative, avec numéro d’immatriculation du véhicule, dont la copie doit être fournie à la préfecture. Cette note aux responsables d’associations, courtoise mais s’apparentant à une note de service, a circulé à la mesure de la surprise qu’elle suscitait.

 

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«> Bonsoir,
> Dans le cadre des opérations de contrôle opérées par les CRS aux abords de la Lande et aux fins de fluidifier/faciliter les choses, nous vous proposons d’établir pour chacun de vos membres une attestation nominative numérotée, portant votre logo et signature, leur permettant notamment d’accéder au chemin des Dunes.
> A cet effet, vous trouverez ci-joint un modèle d’attestation.
> Par ailleurs, pour les interventions ponctuelles, il vous est possible d’établir, en quantité limitée, des attestations non nominatives mais numérotées (ci-joint également un modèle type).
> En retour, je vous remercie de nous adresser la liste des attestations nominatives et non nominatives, toutes numérotées, que vous aurez délivrées, ainsi qu’un exemplaire signé de chaque type d’attestations délivrées.
> Restant à votre disposition si besoin …
> cordialement, »

Le chemin des Dunes est une voie publique. Les bénévoles qui ont questionné les policiers sur les restrictions d’accès ont eu comme réponse tantôt que c’était un arrêté municipal, ou une décision du préfet, ou une réquisition du procureur, ou la consigne. Aucun écrit n’a jamais été produit ou affiché. De fait, les règles d’accès changent selon les jours et les heures, ainsi que les conditions de stationnement.

La légalité de cette restriction d’accès pose question. Les policiers de faction semblent avoir pour consigne de montrer que les choses se passent selon leur bon vouloir. La préfecture exprime aux associations que c’est selon son bon vouloir à elle, et en profite pour se constituer un fichier des bénévoles et véhicules de ces bénévoles.

Les associations avec lesquelles la préfecture refuse de parler n’ont donc plus accès, en principe (concrètement ça dépend du bon vouloir des policiers, et de l’accessibilité des autres entrées), au bidonville et ne peuvent plus mener leur action humanitaire, sauf à passer par une association avec laquelle la préfecture accepte de parler qui veuille bien délivrer une attestation à un de leurs bénévoles.

Concrètement, c’est tout le réseau de solidarité qui mobilise des personnes de Calais, mais aussi de toute la France, du Royaume-uni, d’Allemagne, de Belgique, etc… qui se trouve entravé et soumis à la bonne ou mauvaise volonté des policiers de faction.

Et c’est bien là l’objectif premier : casser l’élan de solidarité à l’égard des exilé-e-s de Calais, limiter autant que possible les gens qui viennent et voient la situation, contrôler les échanges des exilé-e-s avec l’extérieur, soumettre l’action des associations à l’arbitraire préfectoral.

Dans les faits, ça marche assez mal, les personnes qui veulent aider trouvent le moyen de le faire, les personnes qui veulent rencontrer les exilé-e-s le font aussi. Mais ont devine que la nasse dans laquelle les exilé-e-s ont été regroupé-e-s au printemps dernier pourrait se refermer encore plus.

Et dans le concret, les entraves sont réelles et pesantes.

Un témoignage parmi d’autres :

« Ce matin, distrib de pain ! nous n avons plus le droit de nous garer aux abords de le route des dunes non plus ! un des crs nous a autorisé à prendre le chemin des dunes en voiture pour nous dire de nous garer en face du centre jules ferry. Là bas on distribue le pain très rapidement (ils ont faim ) puis nous croisons d autres crs et eux nous disent que nous n avons pas le droit de nous garer là non plus ! bon ok nous repartons nous garer route de graveline devant les maisons des riverains ( ça a l air ok ) ! nous rendons visite aux familles avec enfants du premier camp …là un irakien nous dit que les assos ne leur donnent plus de quoi manger depuis 1semaine car stoppées par la police ! ils nous disent avoir faim, les enfants ont faim une dame âgée a tenté de se suicider car la situation devient de plus en plus pénible dans la jungle ! nous décidons d aller faire des courses à lidl »

Ce sont souvent les petites associations, ou les personnes qui viennent à titre individuel et fréquemment, qui connaissent bien le terrain et peuvent s’assurer autant que possible des besoins de chacun. Les distributions de repas au centre Jules Ferry, c’est 2000 repas pour 6000 habitant-e-s du bidonville, une fois par jour, et deux à trois heures de queue pour avoir manger. Pour les personnes malades, blessées, âgées, ce n’est pas tenable. Les familles avec enfants peuvent passer devant la queue, mais il y a vraiment beaucoup d’enfants, ça crée de l’impatience et des tensions, beaucoup préfèrent s’abstenir. Entraver l’aide humanitaire, c’est utiliser la faim pour faire déguerpir les exilé-e-s de Calais, à commencer par les plus vulnérables. Et déguerpir pour aller où ?