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Le tribunal administratif de Lille a rendu public hier son jugement suite au recours des associations contre les deux arrêtés de mairie de Calais interdisant les distributions de repas dans certains secteurs à la périphérie de la ville, et contre le refus de la mairie de leur mettre à disposition un lieu pour ces distributions (voir ici et là).
Le tribunal a suspendu les deux arrêtés en des termes particulièrement fermes, repris dans un communiqué, faisant référence au droit des personnes de ne pas subir de traitements inhumains et dégradants, droit qui serait atteint en cas d’interdiction des distributions.
Voici le texte du communiqué :
« Distribution de repas aux migrants à Calais
Le juge des référés du tribunal administratif de Lille suspend plusieurs décisions de la maire de Calais ayant pour but d’empêcher la distribution de repas aux migrants dans la zone industrielle des Dunes et le Bois Dubrulle.
Par plusieurs décisions prises en février et mars 2017, la maire de Calais a interdit les occupations abusives, prolongées et répétées de la zone industrielle des Dunes et du Bois Dubrulle, afin d’empêcher la distribution de repas aux migrants sur ces sites.
Plusieurs associations humanitaires ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille de suspendre l’exécution de ces décisions.
Le juge des référés a estimé que la commune n’apportait aucun élément probant établissant que les distributions de repas effectuées depuis le début de l’année 2017 avaient été à l’origine de troubles graves à l’ordre public de nature à justifier une restriction des libertés.
Le juge des référés a ensuite considéré que les mesures litigieuses, qui ont pour effet de priver une population en très grande précarité d’une assistance alimentaire vitale, ne sont ni adaptées, ni nécessaires, ni proportionnées au regard du but réellement poursuivi et des constatations effectuées à la date de son ordonnance.
Il a donc estimé que la maire de Calais avait porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir, à la liberté de réunion et, en faisant obstacle à la satisfaction de besoins élémentaires vitaux des migrants, au droit de ceux-ci de ne pas subir des traitements inhumains et dégradants, droit consacré par l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Dans ces conditions, le juge des référés a ordonné la suspension de l’exécution des décisions attaquées en date des 7 février, 2 mars, 6 mars et 9 mars 2017 interdisant la distribution de repas dans la zone industrielle des Dunes et le Bois Dubrulle. »
Par contre, le tribunal refuse d’enjoindre à la commune de mettre un lieu à la disposition des association un lieu pour la distribution des repas, considérant « qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, alors que le nombre de migrants présents à Calais est limité, d’ordonner à la commune d’ouvrir un lieu et de fournir aux associations requérantes les moyens matériels au fonctionnement d’un service de distribution de repas au bénéfice des migrants. »
Comme il n’y a pas trop d’exilé-e-s, les associations peuvent bien s’en débrouiller, les pouvoirs publics sont exonérés de toute responsabilité. Ils n’auraient tout au plus à intervenir qu’en cas de crise. Leurs obligations, par exemple en matière d’hébergement d’urgence (une liberté fondamentale selon le Conseil d’État), bien au-delà d’un simple lieu pour les repas, semblent s’être évanouies.
Vous pouvez lire le jugement en entier ici :
Cliquer pour accéder à 1702397.pdf
Les associations avaient entre temps commencé à organiser des distributions en centre-ville, en complément de celles à la périphérie, en dehors des zones interdites par les deux arrêtés municipaux, pour que les exilé-e-s retrouve une place dans la ville et pour leur donner une visibilité.
Le lendemain de la publication du jugement, les associations décident de supprimer les distributions de centre-ville, rejetant les exilé-e-s à l’invisibilité et à une périphérie de zones industrielles, de buissons et de terrains vagues.
Si la maire de Calais a perdu juridiquement avec la suspension des deux arrêtés, elle a gagné politiquement dans son projet de rejeter les exilé-e-s hors de la ville.
Gérôme Bosch : La Nef des fous.
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