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La journée de mercredi a vu la destruction rapide des dernières cabanes de la partie sud du bidonville.

Sur les 3450 habitant-e-s de la partie sud, 600 à 700 personnes se sont tournées vers les solutions mises en place par l’État, d’autres se sont dispersées le long du littoral vers d’autres lieux de passage, ou se sont repliées vers la région parisienne, voire sont parties vers d’autres destinations. Mais la majorité s’est réinstallée dans la partie nord du bidonville, dont la population a en gros doublé. La concentration dans un espace restreint, le traumatisme de la destruction de la partie sud et l’incertitude quant à l’avenir créent une situation tendue. On ne sait pas encore si l’État va attaquer rapidement la destruction de la partie nord, ou s’il va laisser pourrir la situation qu’il a lui-même créer pour se donner un prétexte à le faire « pour le bien des gens », comme ça s’est souvent fait par le passé.

Les tractations continuent autour des grévistes de la faim (voir ici, ici, ici, ici, ici et ) , mais ceux-ci n’ont plus la main dans les négociations, comme le montre libération : « Reza, ancien garde du corps et prof de bodybuilding en Iran, articule avec difficulté avec sa bouche cousue : «Ils ne nous proposent rien d’autre que ce qu’ils nous proposaient avant de détruire nos cabanes. La possibilité de demander l’asile en France, et une place à l’abri, dans un centre loin de Calais. On n’attend rien de la France. Que les Anglais installent un centre juridique ici, et fassent le tri entre les gens pour nous accepter sur leur sol. Ça nous évitera de donner des milliers d’euros aux passeurs.» Après discussion, dans l’après-midi, un bénévole français qui les accompagne récapitule d’autres demandes : pas d’application du règlement de Dublin qui permet de transférer les demandeurs vers un autre pays d’Europe, la possibilité de demander l’asile depuis la jungle, car certains affirment que leur séjour en centre d’accueil et d’orientation (CAO), loin de Calais, s’est mal passé, pas d’expulsions vers l’Iran, et des engagements signés par un représentant de l’Etat. Nouvelle rencontre prévue jeudi à 15 heures. »

http://www.liberation.fr/france/2016/03/16/atmosphere-de-desolation-dans-la-partie-rasee-de-la-jungle-de-calais_1440032

Comme souvent, les associations locales utilisent le mouvement des grévistes de la faim pour pousser leur propre agenda, tout en désamorçant l’action des exilés qu’elles perçoivent comme concurrente de la leur. Et l’une des choses qui frappent dans la situation actuelle est l’incapacité des associations de proposer d’autres perspectives que le maintien de la situation existante, le bidonville avec des exilé-e-s dépendant de leur aide, et un dialogue a minima avec l’État dans lequel elles se rendent utile en jouant les bons offices. Et on ne peut qu’être interpellé par la richesse des réflexions émanant de rapports officiels, comme celui de la Commission National Consultative des Droits de l’Homme ou celui du Défenseur des Droits (voir ici, ici, ici et ), ou des multiples tribunes et lettres ouvertes qui ont précédé la destruction de la partie sud du bidonville (voir ici, ici, ici, ici et ). L’État a donc toute latitude d’imposer ses solutions, y compris par la violence comme on vient de le voir.

Pour mémoire, voici le soutien que les grévistes de la faim attendaient :

https://calaishungerstrike2016blog.wordpress.com/what-are-they-asking-you-to-do/

Une fois éteinte la grève de la faim, l’attention médiatique disparaîtra, et l’État aura la maîtrise du calendrier et de la communication pour la suite. Comme souvent, les exilé-e-s ont eu une vision beaucoup plus lucide de la situation et des enjeux.

 

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